Un crabe pâlichon et une crevette. Segonzacia mesatlantica et Mirocaris fortunata sont les deux trésors d’Océanopolis. Le parc de découverte des océans à Brest réalisera à partir du 7 avril une grande première mondiale : présenter au public des espèces vivant dans les grands fonds des océans.
Pour pêcher ces deux-là, il a fallu déployer une logistique incroyable, en partenariat avec l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) : Le Pourquoi Pas ? plus grand navire océanographique d’Ifremer, son robot sous-marin Victor 6000, les laboratoires flottants, le convoi spécial vers Brest…
Milieu toxique
Ces individus vivaient à proximité d’une source hydrothermale, au sud des Açores. Un univers hostile, par 1 700 mètres de fonds, plongé dans l’obscurité totale. Un monde a priori toxique même. Car les sources hydrothermales, découvertes dans les années 1970 seulement, sont des petits volcans répartis sur la dorsale Atlantique, qui crachent un jus à plus de 300 °C, chargé de métaux lourds, de soufre et d’éléments radioactifs !
Le défi technologique du laboratoire Adaptation aux milieux extrêmes de l’université Pierre et Marie Curie (Paris VI) était de mettre au point un caisson pressurisé où le public pourra admirer les bestioles. Les deux « aquariums » ressemblent plus à des coffres-forts : 600 kg d’acier inox, 16 litres de contenance, un hublot de 8 cm d’épaisseur, capable de résister au poids de trois Airbus A320, une pompe ultra-puissante pour conserver une pression de 170 bars (170 fois l’atmosphère ambiante !).
Pas mal de pertes
Le métabolisme des animaux vivant sous pression sera ainsi mieux respecté (la proximité des substances toxiques et de la radioactivité en moins !). Avec l’espoir qu’ils durent et pourquoi pas, se reproduisent.
Toutefois, les chutes de pression lors de la pêche puis lors des nettoyages d’aquarium sont pour l’instant inévitables. Les conservateurs ont aussi un peu tâtonné pour mettre au point une nourriture peu salissante, à base de farine de poisson, qui s’introduit par un sas, sans rupture de pression. Ajoutez à cela le stress d'un long transport. Seulement trois crabes ont survécu sur la vingtaine sortie de l’eau en juillet dernier. Et 45 crevettes sur 600.
De nouveaux prélèvements sont programmés l’été prochain au cours d’une nouvelle expédition scientifique.
Des projets miniers
Mais Océanopolis pense maintenant avoir stabilisé la situation. Le savoir-faire de cette équipe Océanopolis-Ifremer-Université Pierre et Marie Curie pourrait maintenant être convoité par les aquariums du monde entier. Car présenter ces animaux inconnus, c’est aussi sensibiliser l’opinion aux menaces qui planent sur les sources hydrothermales, ces oasis de vie encore peu protégées : pêche par grands fonds et exploitation minière en devenir autour de ces volcans qui crachent aussi fer, cuivre, zinc ou argent.
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